Ils étaient l'amérique: Découverte d’un monde... déjà connu

Publié le 14 mai 2025 à 23:03

On imagine souvent Jacques Cartier débarquant en 1534 sur un continent vaste, vide, à peine peuplé. Or, comme le souligne l’anthropologue Serge Bouchard dans Ils étaient l’Amérique, cette vision est totalement erronée. Selon les estimations qu’il rapporte, environ 60 millions d’autochtones habitaient déjà les Amériques à cette époque — autant que la population européenne. Un fait méconnu, mais essentiel pour comprendre la véritable échelle de ce « Nouveau Monde ».

Une donnée qui change tout

Dans son livre, Serge Bouchard s’appuie sur les recherches démographiques les plus crédibles pour dresser un portrait percutant : l’Amérique n’était pas une terre vierge, mais un continent densément occupé. Des empires comme celui des Aztèques, des Incas ou des Mayas dominaient le sud. Plus au nord, les nations iroquoiennes, algonquiennes, sioux, pueblos ou anishinaabe organisaient leurs territoires selon des structures politiques, sociales et économiques sophistiquées.

À certains endroits, la densité de population rivalisait avec celle des régions rurales d’Europe. Des villes comme Cahokia, dans la vallée du Mississippi, regroupaient des dizaines de milliers d’habitants dès le XIIIe siècle.

Cartier n’a rien « découvert »

Lorsque Jacques Cartier accoste en Gaspésie, il entre en contact avec les Stadaconés, peuple établi, sédentaire, doté d’un mode de vie structuré et de relations commerciales étendues. Il ne découvre pas un territoire inconnu : il entre dans un monde déjà ancien, habité, et transformé par des millénaires de présence humaine.

Le poids de l’oubli

Pourquoi ces chiffres ont-ils été oubliés ? Parce que les premiers récits européens ont été écrits après des effondrements démographiques majeurs. La variole, la rougeole, l’influenza, et d’autres maladies inconnues des Amérindiens ont décimé des pans entiers de population dès les premiers contacts, bien avant même l’établissement de colonies durables.

Résultat : les Européens ont souvent perçu ce continent comme « vide » parce qu’il ne ressemblait déjà plus à ce qu’il avait été quelques décennies plus tôt.

Une réalité rétablie

Les travaux d’historiens, d’archéologues et d’anthropologues — dont ceux relayés par Serge Bouchard — permettent aujourd’hui de reconstituer un portrait plus juste. 60 millions d’humains, à l’échelle des Amériques, ça n’a rien d’anecdotique. C’est une réalité démographique massive, qui redéfinit ce que fut réellement la « rencontre des mondes ».

Ce chiffre ne change pas seulement la perception historique : il oblige à revoir la façon dont on raconte, enseigne et comprend le passé du continent.


Sources
– Serge Bouchard, Ils étaient l’Amérique, Lux Éditeur
– Charles C. Mann, 1491: New Revelations of the Americas Before Columbus
– William Denevan, The Native Population of the Americas in 1492
– David Stannard, American Holocaust


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