
L’élection fédérale canadienne qui vient de se terminer restera sans doute marquée par la défaite inattendue de Pierre Poilievre dans son propre comté, malgré ce qui constitue objectivement l’une des meilleures campagnes conservatrices des dernières décennies. Il faut, sous le paillasson médiatique habituel, remettre les choses en perspective.
D’abord, il ne s’agit pas d’un effondrement. Au contraire. Le Parti conservateur a réalisé son meilleur score national depuis l’ère Brian Mulroney. Dans son propre comté, Poilievre a obtenu 3000 voix de plus qu’en 2021. Et pourtant, il a perdu. Comment expliquer ce paradoxe?
La réponse réside probablement dans une série de dynamiques politiques et sociales puissamment instrumentalisées. Le récit médiatique dominant, teinté d’une peur diffuse de la « menace Trump », a favorisé un réflexe de repli chez une partie de l’électorat – particulièrement les personnes âgées, plus sensibles à la stabilité institutionnelle qu’au changement de cap économique ou identitaire.
Pendant ce temps, une remontée spectaculaire chez les jeunes s’est dessinée en faveur des conservateurs. Les indicateurs de participation dans certains segments de l’électorat de 18-35 ans montrent un regain d’intérêt inhabituel pour un parti longtemps vu comme vieillissant. On y a perçu, peut-être, une forme d’authenticité, voire de résistance à l’ordre établi – une forme de lucidité économique face à la stagnation salariale, à l'inflation et à la dette nationale grandissante.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que si la campagne avait duré un mois de plus, le résultat aurait pu basculer. Des zones grises autour de Mark Carney commençaient à émerger :
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son passage au comité directeur du Bilderberg,
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son implication dans des structures financières offshore,
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ses déclarations mensongères concernant son premier appel avec Donald Trump, où il a affirmé que Trump n’avait pas remis en question la souveraineté du Canada — ce qui s’est avéré faux,
Et puis, il y a Donald Trump, aujourd’hui de retour au pouvoir aux États-Unis. Sa présidence transforme à nouveau les rapports économiques et diplomatiques nord-américains. Face à une Amérique plus protectionniste et nationaliste, le Canada ne pourra pas éternellement esquiver le débat sur sa souveraineté économique, ses chaînes d’approvisionnement, ou encore sa dépendance stratégique. Ces questions auraient pu devenir centrales si la campagne avait duré un peu plus longtemps.
Autre élément non négligeable : le rôle du NPD et de son chef Jagmeet Singh dans cette élection. Tout au long de la campagne, et particulièrement lors des débats, on a pu constater une forme de non-agression flagrante envers Mark Carney, comme s’il y avait une entente tacite entre les deux formations. Singh n’a jamais attaqué Carney, concentrant toutes ses critiques sur Poilievre, même lorsqu’aucun gain électoral n’était réellement possible de ce côté. Or, les électeurs néo-démocrates sont historiquement plus enclins à basculer vers le Parti libéral que vers les conservateurs. Ce refus d’attaquer Carney a laissé un boulevard au Parti libéral, tout en contribuant à l’effondrement du NPD, qui a servi — volontairement ou non — à consolider un gouvernement libéral minoritaire.
Sous le paillasson de la défaite, il y a donc autre chose : une victoire idéologique en gestation, un mouvement politique en train de s’ancrer dans une génération plus jeune, plus lucide, peut-être moins polarisée qu’on ne le croit. Le futur n’est peut-être pas rouge, mais il n’est pas non plus bleuté de nostalgie : il est en recomposition.
— L’équipe de Sous le paillasson
Rien sous le tapis, tout sous la loupe
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