Carney à Washington : une diplomatie de velours face à une brutalité commerciale

Publié le 9 mai 2025 à 09:21

Mark Carney s’est présenté à la Maison-Blanche avec une maîtrise certaine de la diplomatie. L’ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, devenu chef de file du Parti libéral, a su incarner un ton posé, prudent et respectueux. Il a su écouter, peser ses mots, et faire preuve d’une patience remarquable, malgré un contexte tendu entre Ottawa et Washington.

De son côté, le président américain a répondu avec une courtoisie de façade. Il a serré des mains, souri devant les caméras, mais n’a pas pu s’empêcher de glisser quelques piques humiliantes à l’endroit du Canada. Il a une fois de plus évoqué le mythe du « 51e État », insinuant que le Canada serait devenu un simple prolongement des intérêts américains. Une rhétorique insultante, qui nie toute notion de souveraineté mutuelle et de partenariat équilibré.

Plus grave encore, le président a insisté, à nouveau, sur le soi-disant déficit de la balance commerciale entre les États-Unis et le Canada. Une accusation creuse, voire absurde, qui ne tient pas compte de la complexité des chaînes d’approvisionnement intégrées entre les deux pays. Il suffit de regarder l’industrie automobile : une voiture nord-américaine traverse la frontière en moyenne sept fois durant sa fabrication¹. Les pièces canadiennes sont donc essentielles au bon fonctionnement du secteur manufacturier américain.

Il aurait été pertinent que Carney saisisse l’occasion pour renverser la logique. Pourquoi, si l’industrie américaine est si compétitive, les États-Unis ressentent-ils le besoin de multiplier les barrières tarifaires contre nos produits? Pourquoi imposer des droits sur notre aluminium, notre acier, ou nos produits agricoles, si ces mêmes industries américaines n’en avaient pas désespérément besoin?

La réalité, c’est que les États-Unis dépendent de l’expertise, de la stabilité et de la qualité canadienne dans plusieurs secteurs clés. Les tarifs douaniers sont un aveu de faiblesse déguisé en stratégie. Ils ne protègent pas une industrie florissante, ils masquent une vulnérabilité systémique.

Mark Carney a fait bonne figure. Il a montré que le Canada pouvait se tenir droit dans ses bottes sans hausser le ton inutilement. Mais une question demeure : jusqu’à quand allons-nous encaisser des coups rhétoriques sans répliquer sur le fond?

Le respect, oui. La soumission, non.

Sous le Paillasson
Rien sous le tapis, tout sous la loupe.

Notes

1. Global Affairs Canada. Integrated Supply Chains between Canada and the United States, 2021.
2. Gouvernement du Canada. Commerce bilatéral Canada–États-Unis : Faits et chiffres, 2023.
3. U.S. Chamber of Commerce. The Importance of Canada to U.S. Industries, 2022.

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