Des graines de liberté : l'urgence de sauver les semences du Québec

Publié le 8 mai 2025 à 21:59

Dans un épisode fascinant du podcast Les Idées Radicules, Dan Brisebois, auteur de Seed Farmer, discute avec Line Belmor (ferme Terre Promise) de la situation critique de la production de semences au Québec. Ce que j’y ai entendu m’a frappé : un appel à la résistance tranquille mais urgente, celle de préserver nos semences, notre autonomie, et notre biodiversité.

Voici ce que j’ai retenu… et pourquoi ça nous concerne tous.

Une industrie semencière sous influence

La séparation entre production alimentaire et production de semences, amorcée au début des années 1900, a mené à une dépendance grandissante des agriculteurs envers de grandes compagnies semencières. Puis, dans les années 1940-50, les semences hybrides (qu’il faut racheter chaque année) ont envahi le marché.

Aujourd’hui encore, ces hybrides dominent, malgré leur dépendance accrue aux intrants et leur faible capacité d’adaptation locale. Pourtant, de petits producteurs québécois parviennent à produire des semences aussi performantes, sinon meilleures, en misant sur la sélection génétique naturelle, la diversité, et le respect du terroir.

Contrairement aux géants de l’industrie, ces artisans partagent ouvertement leurs méthodes. Là où les multinationales verrouillent leur savoir, eux cultivent la connaissance libre.

Le Québec importe encore 70 % de ses semences

Et ce, malgré un potentiel énorme de production locale. La pandémie de COVID-19 a montré à quel point les chaînes d’approvisionnement mondialisées sont vulnérables. Cette crise a rappelé que la souveraineté alimentaire commence par la souveraineté semencière.

Mais la réalité est dure : peu de fermes québécoises pratiquent encore la conservation de semences. Pourquoi? Parce qu’il manque de formations, de programmes agricoles spécialisés, et parce que la production de semences demande du temps, de l’expertise, du tri, de l’emballage, et même… du marketing.

Des défis économiques… mais aussi des solutions

Contrairement aux idées reçues, produire des semences peut être rentable. Les prix de gros sont parfois équivalents à ceux des carottes, à condition de bien gérer les opérations. Certaines fermes emploient 10 à 13 personnes en été pour les légumes, et 2 ou 3 à l’année pour les semences.

La pollinisation croisée, souvent crainte, peut mener à la naissance de variétés uniques, mieux adaptées au climat québécois. Des radis noirs écarlates. Des haricots violets grimpants. Des tomates d’automne. Des trésors végétaux impossibles à standardiser… et donc introuvables ailleurs.

Préserver, c’est aussi enseigner

Le livre L’art de produire ses propres semences milite pour la transmission de ce savoir oublié. Il rappelle qu’avant les années 1900, chaque famille développait ses propres variétés, adaptées à son sol, à ses goûts, à son village. Une richesse aujourd’hui effacée par la logique de l’uniformité industrielle.

Heureusement, les producteurs de semences biologiques reprennent le flambeau. Ils expérimentent. Ils documentent. Ils forment. Et ils bâtissent, semence après semence, une alternative plus juste, plus résiliente et plus locale.

Conclusion : Il n’y a pas de souveraineté sans semences

Ce que nous dit Les Idées Radicules, c’est que les semences sont bien plus qu’un outil agricole. Elles sont un patrimoine, une mémoire, une stratégie de survie collective. Et c’est à chacun de nous — citoyens, jardiniers, consommateurs — de décider si nous voulons encore croquer dans un monde vivant, ou simplement consommer un produit mort.

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Sources :
- Podcast *Les Idées Radicules*, épisode sur la production de semences au Québec
- *Seed Farmer*, Dan Brisebois
- *L’art de produire ses propres semences*
- Ferme Terre Promise
- Réseau des semenciers du Québec

 

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