Lire sur le trône

Publié le 9 mai 2025 à 11:10

Dans la vie, il y a parfois un Y.Une bifurcation. Un moment où on sent que ça ne peut plus continuer comme avant. On poursuit dans une routine de plus en plus vide, de plus en plus automatisée… ou on change de trajectoire. On coupe. On revient à quelque chose de plus vrai. Ça commence souvent par des choses simples. Un moment banal. Une habitude qui dérange. 

Assis sur le trône, téléphone en main, à faire défiler des nouvelles sans importance, à lire des notifications sans substance, on se rend compte que même ici, dans ce moment intime, on ne se retrouve plus seul avec soi-même. Ce qui était un refuge devient un canal de plus. On ne se repose plus. On s’informe. On se distrait. On remplit chaque seconde.Et puis, un jour, sans trop savoir pourquoi, on repose le téléphone. On regarde le mur. On ne fait rien. Et étrangement, on se sent mieux.

Ce petit geste, anodin en apparence, est souvent le début d’un basculement. De plus en plus de gens ressentent cette saturation : trop d’écrans, trop de sollicitations, trop de tout. Alors ils décident de s’en détacher. Pas dans un geste extrême, mais graduellement. Ils désactivent les notifications. Ils sortent marcher sans téléphone. Ils recommencent à écrire des listes à la main, à lire sur papier, à avoir de vraies conversations. Ils ne fuient pas la technologie. Ils choisissent simplement de ne plus la laisser occuper tout l’espace.

Pendant ce temps, dans certaines régions du monde, c’est l’inverse :des millions de personnes vivent désormais branchées en permanence à des environnements immersifs. Des réalités virtuelles pensées pour être parfaites, sans douleur, sans attente.
Des mondes numériques si engageants qu’on y reste des jours entiers sans se souvenir du goût du vent, ni du son d’une voix humaine non compressée par un algorithme. Il n’y a pas eu de guerre, pas de révolution. Juste une addition de choix confortables, de clics anodins, d’optimisations. Et un jour, on réalise que le monde réel n’est plus habité que par ceux qui ont choisi de rester. Et c’est là que revient le trône. Ce lieu banal est peut-être un des derniers espaces où on peut encore choisir de décrocher. Pas pour longtemps. Pas pour changer le monde. Mais pour se rappeler qu’on peut encore exister sans écran. Que nos pensées n’ont pas besoin d’être guidées. Que le silence peut être complet.

Et que parfois, ne rien faire, c’est résister.

 

Sous le Paillasson
Rien sous le tapis. Tout sous la loupe.

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