Réussite financière : vers une troisième voie entre frugalité extrême et culte de la performance

Publié le 25 mai 2025 à 10:24

Dans le paysage québécois de la littératie financière, deux pôles dominent souvent les discours : d’un côté, le courant frugaliste inspiré du mouvement FIRE (Financial Independence, Retire Early), prônant la privation pour atteindre rapidement l’indépendance financière; de l’autre, l’idéal entrepreneurial centré sur l’accumulation agressive de patrimoine par l’investissement immobilier ou la spéculation boursière. Mais il existe une troisième voie : une approche mesurée, lucide, fondée sur la planification, la connaissance de soi et une ambition cohérente avec ses valeurs.

C’est cette posture nuancée qu’a défendue Simon Plante, gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale, dans un épisode du podcast Sans Filtre. À l’heure où les finances personnelles sont de plus en plus politisées et influencées par les réseaux sociaux, ses propos offrent une réflexion utile sur les trajectoires réelles de création de richesse.

Le mythe de la voie unique

Simon Plante conteste l’idée selon laquelle il n’y aurait que deux modèles valables : celui de l’ascète qui coupe dans toutes ses dépenses pour épargner, et celui du jeune investisseur qui multiplie les “coups de circuit” à coup de crypto, d’Airbnb ou de day trading. Or, la majorité des gens ne s’identifient pleinement ni à l’un ni à l’autre.

À travers son expérience, il observe que des individus dits « ordinaires » – souvent salariés, parfois issus de milieux modestes – ont pu bâtir un patrimoine significatif en jouant le jeu sur le long terme, avec constance et stratégie¹.

L’importance d’une vision à long terme

La clé, selon lui, réside dans la capacité à penser en décennies plutôt qu’en années. Trop souvent, les décisions financières sont prises sous l’impulsion ou la pression de modèles irréalistes. Plante rappelle que la première étape n’est pas d’investir, mais de définir ce qu’on attend de la vie : qu’est-ce que je veux faire de mon temps ? Quel niveau de vie me satisfait ? Suis-je prêt à travailler jusqu’à 75 ans ? Et dans quel cadre ?

Une fois ces paramètres clarifiés, la construction d’un plan devient plus cohérente. Il devient possible de choisir ses priorités, de distinguer l’utile de l’accessoire, et surtout, d’aligner ses dépenses avec ses valeurs.

Le salarié peut devenir riche

Contrairement aux discours dominants, l’atteinte de l’indépendance financière ne passe pas obligatoirement par l’entrepreneuriat. Un salarié peut, sur 20 ou 30 ans, bâtir une richesse considérable en maximisant ses avantages collectifs (REER, fonds de pension, actions d’entreprise), en choisissant un environnement de travail fertile (« le bon terroir »), et en se positionnant activement dans son organisation².

Un exemple cité dans le podcast : un enseignant ou un camionneur ayant acheté une maison en région à bas prix en 2010 peut, grâce à une bonne gestion des dépenses, un accès facilité à la propriété et une stratégie d’épargne automatique, arriver à une valeur nette très respectable sans jamais avoir été “à son compte”.

L’investissement : audace mesurée et vision stratégique

Du côté de l’investissement, Plante défend une approche plus audacieuse que celle prônée par la prudence excessive des portefeuilles dits “équilibrés”. Il rappelle qu’un écart de seulement 2 % de rendement annuel, sur 25 ou 30 ans, peut représenter plusieurs centaines de milliers de dollars de différence³.

Il encourage les investisseurs ayant un horizon long (plus de 10 ans) à oser une allocation plus agressive, souvent 100 % en actions, surtout si leur situation financière globale (fonds de pension, immobilier) est déjà relativement sécurisée. La diversification n’est pas seulement une question de produits financiers, mais aussi de compréhension de ses propres objectifs.

Accompagnement ou autonomie ?

À la question de la gestion autonome versus l’accompagnement professionnel, Plante répond par la nuance : tout dépend du profil de l’individu. Celui qui se sent à l’aise, discipliné, et motivé par la finance personnelle peut très bien réussir en investissant par lui-même. Mais il insiste sur le fait que la majorité des gens ne traduisent pas leurs bonnes intentions en actions concrètes, et qu’un conseiller compétent, capable de vulgariser et de structurer une stratégie globale (fiscalité, retraite, protection, succession), peut offrir une réelle valeur ajoutée, malgré les frais associés⁴.

Une richesse élargie

Enfin, Simon Plante insiste sur la nécessité de ne pas réduire la richesse à la seule accumulation de capital. La santé, le temps libre, les relations humaines, la liberté géographique ou intellectuelle font également partie d’un patrimoine plus large. Le but n’est pas de gagner une course abstraite, mais de vivre une vie cohérente avec ses aspirations profondes. “Quand tu arrives à la fin de ta vie, ce n’est pas la taille de ton REER qui compte, c’est la réponse à la question : est-ce que j’ai vécu ce que je voulais vivre ?”, résume-t-il.


Notes

  1. Simon Plante dans Sans Filtre – épisode avec PH Cantin et Dom Plante, 2024

  2. Ibid. – voir son analyse sur le « bon terroir » professionnel et les stratégies d'avancement pour les salariés

  3. Ibid. – calcul sur la différence de rendement entre un portefeuille à 6 % et un autre à 8 % sur 25 ans

  4. Ibid. – comparaison entre la gestion autonome (ex. via S&P 500) et l'accompagnement par un conseiller multidisciplinaire

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