
Analyse avec le politologue Jean-François Caron
Dans une entrevue aussi lucide qu’alarmante, le politologue Jean-François Caron est revenu sur une opération militaire ukrainienne d’une audace inédite. Une attaque planifiée depuis plus d’un an, menée au cœur de la Russie, qui pourrait provoquer une riposte stratégique démesurée — et précipiter l’Occident vers l’irréparable.
Une frappe spectaculaire en territoire russe
L’Ukraine aurait mené une opération clandestine visant des bases militaires stratégiques russes à plus de 2 000 km de ses frontières. Selon les informations disponibles, des drones auraient été dissimulés dans des conteneurs civils acheminés dans plusieurs régions de Russie. Ces drones ont été activés simultanément dans au moins quatre bases où étaient stationnés des bombardiers à capacité nucléaire.
Selon la version ukrainienne, environ 40 bombardiers lourds auraient été détruits. Moscou parle de six appareils. Dans le scénario ukrainien, c’est près d’un tiers de la flotte stratégique nucléaire russe qui aurait été neutralisée en une seule nuit — des pertes estimées à plus de 7 milliards de dollars américains, et impossibles à remplacer à court terme.
Moscou sous pression : l’alerte maximale est déclenchée
Considérant l’importance des sites ciblés, Moscou a réagi en plaçant ses forces nucléaires stratégiques en alerte maximale. En vertu de sa doctrine militaire révisée en 2024, toute attaque contre les infrastructures militaires critiques, notamment les plateformes de lancement nucléaire, constitue un acte de guerre à part entière.
La riposte pourrait donc inclure l’utilisation de missiles hypersoniques russes, capables de voler à 12 fois la vitesse du son et pratiquement impossibles à intercepter. Dans le scénario le plus pessimiste, ces frappes pourraient viser non seulement l’Ukraine, mais aussi des pays de l’OTAN jugés complices ou cobiligérants.
Une guerre de communication autant que de territoire
Pour Jean-François Caron, cette opération dépasse largement le cadre militaire. Elle vise à influencer l’opinion publique occidentale et à conditionner les décideurs :
– Prouver que l’Ukraine peut encore frapper fort, avec peu de moyens.
– Démontrer que la guerre n’est pas perdue, dans l’espoir d’obtenir de nouvelles livraisons d’armes.
– Déplacer le projecteur médiatique de Gaza vers Kiev à l’approche du sommet du G7, au Canada.
L’attaque survient en effet à quelques jours de réunions internationales cruciales. L’Ukraine pourrait ainsi forcer les dirigeants occidentaux à réaffirmer leur appui, détourner l’attention de la reconnaissance de l’État palestinien par la France, et faire pression sur l’Allemagne, qui vient de livrer ses missiles Taurus à Kiev.
Mais cette logique d'image sert aussi un objectif bien plus risqué : monopoliser l’attention à un moment stratégique pour faire monter la pression diplomatique, maintenir le flux d’aide militaire, et — surtout — entraîner progressivement les pays occidentaux à s’impliquer directement sur le terrain. En d’autres termes, forcer une escalade que l’Ukraine ne peut plus déclencher seule, avec l’espoir d’amener l’OTAN à devenir officiellement cobelligérante dans le conflit. En misant sur une riposte russe brutale et émotionnellement choquante, l’Ukraine pousse ses alliés vers une ligne rouge qu’ils n’osaient pas franchir seuls.
L’Occident complice ?
Officiellement, les drones utilisés seraient de fabrication ukrainienne, et l’opération entièrement domestique. Mais plusieurs précédents laissent planer le doute. L’automne dernier, des missiles américains avaient été utilisés en territoire russe, sous coordination directe de personnels américains.
Dans cette guerre à haute intensité technologique, les frontières entre fabricant, opérateur et donneur d’ordre deviennent floues. Si la Russie établit un lien direct avec des pays de l’OTAN, elle pourrait légitimer des frappes en représailles sur des territoires européens.
Trump, Poutine, et le prix Nobel
Autre élément intéressant soulevé par Caron : Donald Trump semble vouloir jouer un rôle dans la sortie de crise. Après avoir traité Poutine de “fou” sur Truth Social, il aurait tenté d’initier des pourparlers indirects.
Mais au-delà de toute stratégie diplomatique, Caron avance une hypothèse plus personnelle : Trump viserait tout simplement le prix Nobel de la paix, pour égaler symboliquement Barack Obama. Ce serait, selon lui, le dernier trophée qu’il lui reste à obtenir pour parfaire sa revanche politique.
Le Canada changera-t-il de ton ?
Depuis la mise à l’écart de Mélanie Joly et Chrystia Freeland, certains espéraient une inflexion dans la posture canadienne. Mais pour Jean-François Caron, les fondamentaux ne bougeront pas : avec près de deux millions de Canadiens d’origine ukrainienne, aucun gouvernement ne prendra le risque d’un désengagement, quelle que soit la direction politique à Ottawa.
Le seul changement pourrait être un ton moins moralisateur, moins idéologique. Mais les transferts d’argent et d’armes se poursuivront.
Une victoire qui pourrait mener au pire
La conclusion de Jean-François Caron est sans détour : cette frappe n’offre aucun gain stratégique durable pour l’Ukraine, qui ne peut pas gagner la guerre seule. Mais elle pourrait déclencher une riposte qui entraînerait des milliers de morts supplémentaires, voire un élargissement du conflit à l’Europe.
Sur le terrain, la guerre s’enlise, et le bilan humain devient de plus en plus difficile à ignorer. Caron rapporte que la Croix-Rouge, ainsi que d’autres organisations humanitaires, ont compilé des centaines de milliers de signalements de femmes ukrainiennes à la recherche de leurs fils, frères ou maris disparus. En croisant ces données, il estime que les pertes ukrainiennes — morts et blessés — dépassent vraisemblablement les 400 000 hommes. Un chiffre effarant, rarement reconnu officiellement, mais qui suggère une saignée humaine insoutenable pour un pays de 30 millions d’habitants.
À ce rythme, l’Ukraine n’a tout simplement plus les ressources humaines pour soutenir une guerre conventionnelle de longue durée. Et c’est précisément ce qui alimente sa stratégie actuelle : provoquer l’escalade pour ne pas perdre par épuisement.
Sources et documents pertinents
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Kiev Post, 31 mai 2025 : “Ukrainian Deep Drone Strike Hits Russian Strategic Bombers — Details on the Operation”
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RIA Novosti (agence russe), 1er juin 2025 : “MoD: Six Bombers Damaged in Terrorist Attack, Air Defenses Intervened”
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Doctrine nucléaire russe (2024), citée dans The Moscow Times et Foreign Policy
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CNN, 2023 : “US-supplied missiles used to strike inside Russia, Pentagon confirms”
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The Guardian, 2024 : “Germany delivers Taurus missiles to Ukraine with green light for cross-border use”
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Truth Social, mai 2025 : Déclaration de Donald Trump qualifiant Vladimir Poutine de “madman”
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Jean-François Caron, professeur invité, commentaire politique diffusé sur les plateformes balados francophones, mai 2025
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ICRC (Croix-Rouge), 2025 : estimation de 400 000 Ukrainiens portés disparus
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Reuters & AP, 2022–2025 : données croisées sur les pertes russes et ukrainiennes
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