
Publié Sous le Paillasson, le 30 mai 2025
Le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a réaffirmé cette semaine la volonté du gouvernement du Québec de maintenir le modèle traditionnel de la filiation : un enfant ne peut avoir légalement que deux parents reconnus. Cette déclaration survient alors que des groupes de défense des familles LGBTQ+, des juristes et des experts en droit familial réclament la reconnaissance de la pluriparentalité, c’est-à-dire la possibilité pour un enfant d’avoir plus de deux parents légaux.
« Le modèle québécois repose sur l’idée que deux parents reconnus suffisent pour assurer la stabilité et l’intérêt supérieur de l’enfant », a affirmé le ministre Jolin-Barrette, cité dans Le Journal de Montréal (29 mai 2025).
Le Québec isolé au Canada?
Alors que le Québec campe sur une position rigide, d’autres provinces canadiennes ont déjà légiféré pour permettre la reconnaissance de plus de deux parents. C’est notamment le cas de l’Ontario, qui a adopté en 2016 la Loi sur l’égalité de toutes les familles (All Families Are Equal Act), et de la Colombie-Britannique, où la Family Law Act permet également, dans certains cas, la reconnaissance de la pluriparentalité.
Ontario : jusqu’à quatre parents légaux
En Ontario, depuis 2017, un enfant peut légalement avoir jusqu’à quatre parents s’ils ont tous participé au projet parental avant la conception, que ce soit par entente écrite ou processus de procréation assistée. Ces dispositions visent à mieux refléter les réalités des familles homoparentales et coparentales.
Source : All Families Are Equal Act, S.O. 2016, chapitre 23.
Colombie-Britannique : une reconnaissance encadrée
La Colombie-Britannique permet également à plus de deux parents d’être légalement reconnus, si une entente écrite existe entre les adultes impliqués avant la conception de l’enfant. Cette reconnaissance est permise sous certaines conditions précises afin d’assurer la clarté juridique et l’intérêt supérieur de l’enfant.
Source : Family Law Act, SBC 2011, c. 25, section 30–31.
Un retard juridique pour le Québec?
La position du ministre Jolin-Barrette maintient le Québec dans une posture de retard législatif face aux réalités familiales actuelles. Dans un contexte où les familles recomposées, homoparentales, ou coparentales sont de plus en plus nombreuses, plusieurs experts soulignent que le droit québécois force encore trop souvent à « choisir » qui sera reconnu comme parent, au détriment de l’équilibre de certaines dynamiques familiales.
« Le droit devrait s’adapter à la diversité des familles, pas l’inverse », déclare Me Valérie Lahaie, avocate spécialisée en droit familial.
Entre stabilité et rigidité
Pour le gouvernement québécois, reconnaître plus de deux parents reviendrait à complexifier inutilement la filiation et à introduire des risques juridiques, notamment en matière de garde, d’autorité parentale, ou d’héritage. Mais cette vision soulève des critiques croissantes, alors que le Canada évolue vers des normes plus inclusives dans d'autres provinces.
Conclusion
La question demeure entière : le modèle québécois est-il un gage de stabilité ou un frein à l’inclusion familiale? En refusant de reconnaître la pluriparentalité, le Québec s’isole progressivement d’un mouvement canadien — et international — en faveur d’un droit de la famille plus souple et plus représentatif de la société d’aujourd’hui.
Sources
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Le Journal de Montréal, « Québec s’oppose à la pluriparentalité », 29 mai 2025
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All Families Are Equal Act, Ontario, S.O. 2016, c. 23
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Family Law Act, Colombie-Britannique, SBC 2011, c. 25
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Code civil du Québec, articles 538 et suivants
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Entrevue avec Me Valérie Lahaie, UQAM, avril 2025
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