
Alors que Donald Trump fanfaronnait sur l’exportation imminente de pick-up Ford F-150 vers le Japon, la réalité sur le terrain révèle un renversement de tendance bien plus inattendu. Ce ne sont pas les énormes camions américains qui envahissent les routes nippones, mais bien les minuscules véhicules japonais qui captivent l’imaginaire québécois. À la tête de cette petite révolution motorisée : les K-Trucks, les K-Cars et les K-Vans.
Stéphane Laframboise, propriétaire de Unique Auto Import à Vaudreuil, est l’un des pionniers de cette vague d’importation. Depuis des années, il ramène du Japon ces petits véhicules étonnamment polyvalents, robustes et économiques. Ce qu’on appelle les véhicules de type “Kei” — terme japonais désignant une catégorie légale restreinte par la taille et la cylindrée — regroupe une panoplie de modèles : pick-up (K-Truck), minifourgonnettes (K-Van) ou microvoitures sportives (K-Car), tous propulsés par des moteurs de 650cc à trois cylindres.
Leur format mini ne les rend pas moins pratiques. Bien au contraire. Ces véhicules conçus pour les ruelles étroites du Japon trouvent ici un nouveau souffle dans les zones rurales du Québec, sur les terrains de villégiature ou dans les exploitations agricoles. Moins larges qu’un VTT côte-à-côte, mais dotés d’une cabine fermée, de chauffage et de l’air climatisé, ils séduisent une clientèle bien précise : hommes de 40 à 70 ans, souvent propriétaires de chalets ou d’entreprises, à la recherche d’un utilitaire fiable, léger, original et sans les frais exubérants associés aux véhicules neufs.
Les avantages sont multiples : faible consommation de carburant (5 à 6 L/100 km), prix d’achat abordable (entre 10 000 et 13 000 $ selon les modèles), longévité, et surtout, une étonnante absence de rouille. Ces véhicules japonais ayant rarement connu la neige ou le sel, ils arrivent au Québec dans un état quasi neuf malgré leur âge. Certains n’ont que 25 000 à 30 000 kilomètres au compteur. Et oui, ils passent l’hiver sans broncher : traction intégrale, châssis léger, pneus homologués, et une maniabilité idéale pour les chemins enneigés.
Stéphane précise que malgré leur conduite à droite et la transmission manuelle fréquente, l’adaptation est rapide. « Ça prend cinq minutes à notre cerveau pour s’adapter », dit-il en riant. Le levier de vitesse se manie de la main gauche, les essuie-glaces et clignotants sont inversés, mais les Québécois s’y font vite. Même les garages s’y adaptent. Si certains ateliers conventionnels boudent encore ces modèles exotiques, il existe déjà un réseau de mécanos et de distributeurs qui assurent l’entretien avec efficacité. Les pièces arrivent en 7 à 10 jours du Japon.
La clientèle évolue aussi. Si les K-Trucks attirent majoritairement les baby-boomers ou les retraités, les K-Cars plus stylisées, comme la Suzuki Cappuccino ou la Honda Beat, séduisent une clientèle plus jeune — entre 30 et 50 ans — friande de petites voitures originales et performantes. Ce marché de niche gagne en visibilité, au point où certains modèles sont devenus des vedettes sur les réseaux sociaux ou dans les campings, attirant les regards curieux et les questions admiratives.
Et l’avenir ? Il est prometteur, selon Stéphane. « Je me vois faire ça encore 15 ou 20 ans », confie-t-il. La croissance est soutenue, malgré les quelques incertitudes réglementaires qui planent parfois, notamment sur la conduite à droite ou les normes environnementales. Mais pour l’instant, l’importation continue de croître, portée par le bouche-à-oreille, les réseaux sociaux, et l’engouement bien québécois pour les trouvailles pratiques, durables et… un peu excentriques.
En somme, pendant que certains rêvent de conquérir Tokyo avec leurs mastodontes, ce sont les microvans japonais qui conquièrent les chemins forestiers du Saguenay et les ruelles de Montréal. Une autre manière, toute en modestie et en efficacité, de repenser notre rapport à l’automobile.
Sources : Entrevue diffusée en août 2025 avec Stéphane Laframboise, Unique Auto Import
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