Banque du Canada : insolvable, mais tout va bien ?

Publié le 23 juin 2025 à 07:56

La Banque du Canada n’est pas une institution bancaire comme les autres. Elle ne gère pas les comptes d’épargne des citoyens ni les hypothèques des familles. Son rôle est bien plus fondamental : elle contrôle la politique monétaire, stabilise l’économie, et agit comme prêteur en dernier ressort du système financier national. Pourtant, en 2024, cette même banque centrale affiche des fonds propres négatifs pour la troisième année consécutive, avec un trou comptable de 8,7 milliards de dollars. Et personne ne semble s’en alarmer.

« La Banque du Canada, oui, notre banque centrale est toujours insolvable avec des fonds propres négatifs et des pertes dans ses comptes. » Le ton est donné. Et il est d’autant plus déroutant que ce déficit massif ne correspond à aucune situation d’urgence. L’économie canadienne est loin de l’effondrement. Mais en coulisses, la banque qui régule tout le système tourne à perte.

Ce n’est pas une banque commerciale comme la RBC ou la TD. « Ce n'est pas votre banque du coin où vous déposez votre chèque de pay. » Elle ne dépend pas de la confiance des déposants. Elle détient un pouvoir que personne d’autre ne possède : celui de créer la monnaie. « Imaginez, vous êtes en déficit mais vous avez une imprimante magique qui fabrique des billets. » Voilà l’essence du fonctionnement d’une banque centrale moderne. Elle ne peut pas faire faillite au sens traditionnel, puisqu’elle peut toujours payer ses dettes… en les imprimant.

Mais d’où viennent ces pertes abyssales ? Tout commence pendant la pandémie. La Banque du Canada a racheté à grande échelle des obligations gouvernementales à faible rendement pour injecter des liquidités dans l’économie et soutenir l’endettement massif d’Ottawa. « Elle a en quelque sorte servi un électrochoc à l'économie pour éviter qu'elle ne s'écrase. » En contrepartie, les banques commerciales, comme la TD ou la Banque Scotia, ont vu leurs réserves exploser.

À partir de 2022, la Banque du Canada durcit sa politique monétaire. Les taux d’intérêt montent rapidement, ce qui rend ces réserves bancaires plus coûteuses à rémunérer. « Elle gagne moins d'intérêt sur ses actifs, 3,6 milliards, qu'elle n'en paie sur ses dépôts, 6 milliards. » Ce déséquilibre structurel provoque un déficit d’exploitation net de 3 milliards de dollars en 2024. Un gouffre.

Dans le secteur privé, cette situation mènerait à une faillite. « Si une banque normale comme la RBC ou la TD se retrouvait avec des fonds propres négatifs, ce serait la panique. » Mais la Banque du Canada n’est pas soumise aux règles ordinaires. Elle peut, tout simplement, reporter ses pertes indéfiniment sur son bilan. Elle suspend ses versements de profits au gouvernement fédéral, puis attend que la conjoncture lui permette de redresser la barre.

« Contrairement à n'importe quelle autre institution financière, la Banque centrale peut absorber sans aucun problème ses pertes. » En clair : elle est insolvable, mais elle détient la planche à billets. « La Banque centrale, c'est en quelque sorte le grand manitou du système financier. » Cela lui donne un pouvoir immense… mais aussi une responsabilité qui échappe à tout contrôle externe réel.

Cette situation soulève une question fondamentale. Est-il sain qu’une institution puisse créer de l’argent sans contrainte, accumuler des pertes structurelles et continuer d’opérer comme si de rien n’était ? « Elle est au-dessus de la logique financière et comptable dans la mesure où elle détient le pouvoir ultime de création monétaire. » Son seul actionnaire étant le gouvernement du Canada, il n’y a aucun contre-pouvoir véritable à cette capacité.

Et l’inflation dans tout ça ? Elle est la conséquence directe de cette dynamique. « Chaque dollar ajouté participe à alimenter l'inflation, à gonfler les prix de l'immobilier et à éroder votre pouvoir d'achat. » En 2024, la Banque du Canada a mis en circulation 1,8 milliard de nouveaux billets, soit une hausse de 1,5 % de la masse fiduciaire. Même si ce rythme peut sembler modeste, l’effet cumulé est profond.

« L'inflation, c'est comme l'eau qui coule doucement sur une roche au fil des années. » Elle ne détruit pas immédiatement, mais use lentement. « Une petite hausse des prix chaque année, disons 2 %, peut sembler négligeable sur un café ou une baguette de pain. » Pourtant, sur une décennie, cette érosion grignote le pouvoir d’achat réel, mine la valeur de l’épargne et pousse à la dépendance au crédit.

Ce n’est pas une crise visible, brutale ou spectaculaire. « Ce n'est pas comme si nous étions face à une crise imminente non plus. » Mais il s’agit bel et bien d’un glissement systémique, masqué par la technicité comptable et la complexité du rôle des banques centrales. On ne parle pas ici d’une escroquerie, mais d’un système où la logique économique est suspendue par privilège institutionnel.

La Banque du Canada est insolvable. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait comptable. Elle détient pourtant un monopole légal sur la création de la monnaie. Ce paradoxe — insolvabilité + pouvoir absolu — mérite plus qu’un haussement d’épaules. Il oblige à réfléchir à la nature même de la monnaie, à la gouvernance des banques centrales, et au prix réel de l’argent que nous utilisons.

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