Canada sous influence : l’enquête-choc sur l’espionnage et l’ingérence qui gangrènent notre démocratie

Publié le 9 juin 2025 à 21:35

Il y a des conversations qui font basculer votre vision du monde. Celle que Michel Juneau-Katsuya, ancien agent du SCRS, a accordée au balado de RAD en fait partie.

Pendant plus de vingt ans, cet homme a traqué les espions, déjoué les ingérences étrangères, et scruté l’arrière-boutique de la politique canadienne. Ce qu’il a révélé au micro — et que vous lirez ici — dépasse de loin le simple jeu diplomatique. Ce sont les rouages d’un vaste système de compromission, de manipulation, de trahison parfois, qui se sont immiscés au cœur de l’État canadien. Nous avons écouté attentivement cet échange. Voici, sous forme de dossier spécial, les révélations et les citations les plus marquantes.

Une scène d’ouverture digne d’un film

Tout commence par cette phrase glaçante :
« Aucun premier ministre canadien, quelle que soit sa couleur politique, n’a échappé à l’ingérence étrangère. »

D’entrée de jeu, Michel Juneau-Katsuya pose le cadre. Depuis Brian Mulroney, tous les chefs de gouvernement du Canada ont, selon lui, reçu des informations sur les tentatives d’influence étrangère. Mais loin de les combattre, certains les ont utilisées à des fins partisanes ou personnelles.

« On a marchandé avec la Chine. Mais pas qu’avec elle. Les États-Unis, Israël, l’Iran, l’Inde... Toutes ces puissances ont pratiqué l’ingérence chez nous. »

Le ton est donné.

Les valises de Hong Kong

L’un des épisodes les plus explosifs concerne un témoignage sous serment recueilli dans les années 1990.
Un fonctionnaire des Affaires étrangères canadiennes affirmait alors être régulièrement envoyé à Hong Kong.

« On lui remettait une valise pleine d’argent. Il revenait ensuite au Canada pour la livrer soit au trésorier du Parti conservateur, soit directement à M. Mulroney. »

Ce type d’opération n’était pas marginal : c’était systémique.

Le fameux rapport Sidewinder, rédigé par Juneau-Katsuya en 1998, dénonçait ces pratiques. Le gouvernement ordonna sa destruction.

« J’avais anticipé. Une copie est partie à la GRC. C’est de là que ça a fuité. »

Les postes de police fantômes

Plus récemment, le Canada a découvert une autre forme d’intrusion : les postes de police chinois clandestins.

« Oui, à Montréal et à Brossard, il y en avait. On sait ce qu’ils faisaient : surveillance, répression transnationale. On filme les enfants qui sortent de l’école. On envoie des photos aux familles dissidentes. »

Lorsque le ministre de la Sécurité publique québécois déclara en Chambre qu’« il n’y a rien, rien, rien », Juneau-Katsuya fut abasourdi.

« Comment peut-on affirmer cela alors que la communauté chinoise elle-même témoignait ? »

70 % des diplomates sont des espions

Les diplomates canadiens eux-mêmes sont sous étroite observation.

« À l’ambassade chinoise, 70 % des diplomates sont en fait des agents de renseignement. C’est la même chose du côté russe. »

Grâce à leur immunité, ils collectent des informations, manipulent des réseaux, recrutent des agents.

« Montréal est une plaque tournante mondiale de l’espionnage. Ça l’a toujours été. On y vient pour créer des légendes, pour utiliser la réputation du Canada à des fins douteuses. »

Les pertes économiques colossales

Le pillage économique est massif : entre 100 et 120 milliards de dollars par an.

« Le Canada est un terrain de jeu, ses lois sont désuètes. Nos entreprises se font siphonner leurs secrets, leurs innovations, sans en avoir conscience. »

Juneau-Katsuya cite l’exemple d’une PME d’Ottawa qui, après dix ans de R&D, vit son produit copié et vendu en Asie en un mois, ruinant ses perspectives de marché.

« Nos entrepreneurs sont naïfs. On les bousille à tour de bras. »Les "Oiseaux de fer" et les recruteurs invisibles

Comment recrute-t-on un espion ?

Juneau-Katsuya détaille la méthode A.I.S.E. : Argent, Idéologie, Sexe, Ego.

« Je peux recruter n’importe qui, même le pape, avec ces leviers. C’est juste une question de patience. »

La Chine dispose même d’une unité spécifique de femmes surnommées les "Oiseaux de fer". Leur mission : séduire, compromettre, faire chanter.

« On les envoie cibler des diplomates, des chercheurs, des entrepreneurs. C’est du travail à temps plein. »

Des identités canadiennes volées

Autre pratique méconnue : le vol d’identité d’enfants canadiens décédés.

« On récupère les dossiers d’enfants morts en bas âge. On construit une fausse vie autour d’eux pour créer un agent avec une couverture canadienne parfaite. »

Ces agents opèrent ensuite dans d’autres pays sous un passeport canadien.

Un Québec plus violent que le reste du Canada

Un constat surprenant émerge aussi de cette conversation :

« Statistiquement, le Québec est plus violent politiquement que toutes les provinces anglophones réunies sur les 70 dernières années. »

De Polytechnique au Métropolis, en passant par la mosquée de Québec, la province a connu une série d’attentats ou de gestes extrêmes liés à des motivations idéologiques.

« Quand on dit que tout le monde est beau, tout le monde est gentil au Québec, c’est faux. On a une violence politique plus marquée. »

Les sales coups de la GRC

Les années 1970 furent également marquées par les dérapages de la GRC.

La liste est longue : effraction pour voler la liste des membres du PQ, incendie volontaire d’une grange pour espionner le FLQ et les Black Panthers.

« On brûlait la grange parce qu’on n’avait pas les moyens techniques de la sonoriser. On a forcé la réunion à se tenir dans une cuisine qu’on avait truffée de micros. »

L’affaire Air India : la honte du SCRS

Le scandale Air India reste un exemple dramatique.

En 1985, une bombe fit exploser un vol d’Air India, tuant 329 personnes.

Le SCRS détruisit des enregistrements clés. Pourquoi ?

« Pour ne pas avoir à aller en cour, pour ne pas révéler ses méthodes. Résultat : pas de condamnation. »

Trump, un atout russe ?

Parmi les révélations les plus intrigantes, Michel Juneau-Katsuya évoque le cas Trump.

« C’est absolument plausible que Trump ait été compromis en 1987 lors de son voyage en Union soviétique. »

Il détaille : endetté, sauvé par des deals douteux, Trump achète ensuite un immeuble lié au KGB. Peu après, il publie un plaidoyer pour la sortie des États-Unis de l’OTAN.

« Ce type remplit parfaitement le profil A.I.S.E. : il aime l’argent, le sexe, son ego est démesuré, et il a été instrumentalisé. »

La surveillance de masse

Le Canada pratique-t-il la surveillance de masse ?

« Oui. Tous les appels entre le Canada et l’étranger passent par des systèmes d’intelligence artificielle. On échange ensuite les résultats avec nos alliés des Five Eyes. »

Une réforme nécessaire

Pour conclure, Michel Juneau-Katsuya plaide pour une réforme profonde.

« Le commissaire chargé de l’ingérence devrait se rapporter directement au Parlement. Là, c’est encore contrôlé par le gouvernement. »

Il appelle aussi à une prise de conscience citoyenne.

« Le public doit comprendre : l’ingérence, c’est réel. Ce n’est pas du conspirationnisme. Beaucoup de théories du complot reposent sur des faits réels déformés. »

Une démocratie en sursis ?

Le dossier que vous venez de lire n’est pas une fiction. Ce sont les propos d’un homme qui a passé sa vie dans les coulisses de la sécurité nationale.

Le Canada, comme beaucoup d’autres démocraties, est aujourd’hui une cible privilégiée des puissances étrangères.

L’inaction politique, le manque de transparence, la naïveté économique nous fragilisent.

Ce que dit Michel Juneau-Katsuya résonne comme un avertissement :

« Si nous ne renforçons pas la transparence et les mécanismes de contrôle, notre démocratie continuera d’être manipulée. Il est temps d’ouvrir les yeux. »

 

 

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