La science est-elle encore digne de foi ? Retour sur une étude qui fait trembler les fondations du savoir

Publié le 29 mai 2025 à 07:35

En 2005, un chercheur grec peu connu du grand public, John Ioannidis, publie un article au titre percutant :

« Why Most Published Research Findings Are False » (Pourquoi la plupart des résultats de recherche publiés sont faux).

Presque vingt ans plus tard, cette publication est devenue l’une des plus citées de toute l’histoire scientifique. Non pas parce qu’elle offre une nouvelle découverte, mais parce qu’elle remet en question le fonctionnement même de la production scientifique contemporaine.


Une bombe dans le monde feutré de la recherche

Ioannidis y expose un constat dérangeant : la majorité des résultats scientifiques publiés sont, statistiquement parlant, probablement faux.

Pourquoi ?

  • Parce que les études sont souvent menées sur des échantillons trop petits pour tirer des conclusions solides.

  • Parce que les chercheurs sont soumis à une pression intense pour publier, ce qui favorise les résultats sensationnels.

  • Parce que les revues scientifiques préfèrent les résultats positifs – ceux qui "trouvent quelque chose" – au détriment des études qui ne confirment rien.

  • Parce que les conflits d’intérêts biaisent trop souvent les hypothèses de départ.

Résultat : ce qu’on croit être un fait scientifique n’est souvent qu’une hypothèse fragile déguisée en vérité.


La science en temps réel : un piège pour la société

Les années récentes – pandémie, climat, intelligence artificielle, neurodiversité, identités de genre – ont vu un afflux massif de "nouvelles études" relayées presque instantanément dans les médias, souvent avant toute validation indépendante.

Mais une étude isolée, même publiée, n’est pas une preuve. Elle est un début de conversation, pas une conclusion.

Et pourtant, des décisions politiques majeures (fermetures, obligations, réglementations) ont parfois été prises sur la base de données encore chaudes, non répliquées, parfois réfutées quelques mois plus tard.

Cela ne veut pas dire que toutes ces décisions étaient erronées. Mais cela signifie qu’on a glissé d’une logique prudente vers un scientisme impulsif, où "l’étude la plus récente" devient un argument d’autorité.


Quand la science devient un outil politique

Le plus grand danger n’est pas l’erreur scientifique – c’est normal, la science progresse par essais et erreurs.
Le danger, c’est quand le pouvoir ou les médias se servent de la science comme d’un gourdin idéologique, en coupant court au doute, à la discussion, ou à la remise en question.

La force de la science réside dans sa capacité à se corriger. Encore faut-il laisser le temps et l’espace pour que ce processus se fasse. Ce n’est pas compatible avec le rythme des réseaux sociaux ou la précipitation politique.


Une leçon d’humilité collective

S’il y a un enseignement à tirer de l’étude d’Ioannidis, c’est celui-ci :
la science est un processus, pas une vérité révélée. Elle se construit dans le temps, par la confrontation des idées, la réplicabilité, la transparence, et le doute systématique.

Avant de transformer une étude en politique publique, ou un article en dogme, il faut se poser cette question simple :

« Ce résultat est-il confirmé, durable, et indépendant ? Ou est-ce une hypothèse séduisante dans l’attente de validation ? »


En conclusion

La science demeure un outil indispensable pour comprendre le monde. Mais elle n’est pas infaillible.
Se reposer sur de la science fraîche pour orienter des décisions lourdes de conséquences, c’est confondre la recherche avec la vérité.

À l’heure où l’on exige des certitudes instantanées dans un monde de plus en plus complexe, la meilleure posture reste peut-être… le scepticisme éclairé.


Références :

  1. Ioannidis, J. P. A. (2005). Why Most Published Research Findings Are False. PLOS Medicine, 2(8), e124. https://doi.org/10.1371/journal.pmed.0020124

  2. Open Science Collaboration (2015). Estimating the reproducibility of psychological science. Science, 349(6251), aac4716.

  3. Fanelli, D. (2010). "Do Pressures to Publish Increase Scientists' Bias? An Empirical Support from US States Data", PLOS ONE.

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