
Selon Charles Gave, l’économiste Milton Friedman lui aurait un jour lancé une idée aussi simple que révolutionnaire :
« Il faudrait remplacer la banque centrale par un ordinateur qui augmente la masse monétaire de 3 % par an. Et on jette la clé. »
Derrière cette phrase se cache une critique féroce du rôle que jouent les banques centrales dans la création — voire l’aggravation — des cycles économiques. L'idée n'est pas neuve, mais elle mérite aujourd'hui une relecture sérieuse, à l'ère des algorithmes, de l’IA… et des politiques monétaires de plus en plus interventionnistes.
La théorie de Friedman en deux mots
Milton Friedman, prix Nobel d'économie, était un monétariste convaincu. Selon lui, les cycles économiques (boom et crash) ne sont pas des phénomènes naturels mais souvent causés par une mauvaise gestion de la masse monétaire par les banques centrales.
Il proposait donc une règle simple : faire croître la masse monétaire à un rythme fixe, d’environ 3 % par an, correspondant à la croissance potentielle de l'économie réelle. Cela éviterait les politiques monétaires erratiques, les assouplissements quantitatifs massifs, ou encore les hausses brutales des taux d’intérêt.
Les avantages d’un algorithme monétaire
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Prévisibilité totale : Les agents économiques (entreprises, ménages, investisseurs) savent à quoi s’attendre. Cela réduit l’incertitude.
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Stabilité : En évitant les interventions discrétionnaires, on limite les bulles spéculatives artificiellement nourries par les taux bas ou les injections massives de liquidités.
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Fin des conflits d’intérêts : Plus de banque centrale soumise aux pressions politiques ou des marchés. L’algorithme est impartial.
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Moins de pouvoir technocratique : Les banquiers centraux comme les banques elles-mêmes perdraient une partie de leur pouvoir démesuré sur l’économie.
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Pas de favoritisme sectoriel : L’argent injecté ne serait pas distribué aux banques ou aux gouvernements, mais diffusé uniformément par la mécanique du système.
Les inconvénients et limites
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Rigidité absolue : En cas de choc externe (guerre, pandémie, effondrement financier), l'algorithme continue d’appliquer sa règle, sans capacité d’adaptation. Cela peut aggraver une crise.
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Perte de la “planche à billets” en cas d’urgence : Si l’État a besoin de financer rapidement un plan de sauvetage ou des dépenses militaires, il ne peut plus s’appuyer sur la banque centrale.
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Sous-estimation des besoins économiques fluctuants : L'économie n'est pas toujours linéaire. Une règle fixe pourrait créer des déséquilibres involontaires.
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Risque de manipulation de l’algorithme : Qui programme la machine ? Et qui s’assure qu’on n’y touche jamais ?
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Exclusion des politiques budgétaires coordonnées : Impossible de faire coïncider politique monétaire et politique fiscale en période de relance.
Et si c’était possible aujourd’hui ?
Dans un monde où des blockchains régulent déjà des monnaies décentralisées sans aucune autorité centrale, l'idée n'est plus si farfelue. Un smart contract monétaire qui émet de la monnaie selon une règle immuable (comme Bitcoin, avec sa limite de 21 millions) est déjà en place dans certaines cryptomonnaies.
Mais appliquer cela à une monnaie nationale comme l’euro ou le dollar reste aujourd’hui politiquement inacceptable : cela retirerait un outil de contrôle économique majeur aux gouvernements… et à leurs banques centrales.
En conclusion
Remplacer une banque centrale par un algorithme monétaire pourrait stabiliser l’économie en supprimant les erreurs humaines… mais cela pose d’immenses défis de gouvernance, de flexibilité et de souveraineté.
Ce que Milton Friedman proposait n’était pas une utopie technocratique, mais un rappel provocateur : parfois, moins d’intervention peut produire plus de stabilité.
Alors, sommes-nous prêts à faire confiance à un code… plutôt qu’à une banque centrale ?
Sous le Paillasson
Rien sous le tapis, tout sous la loupe.
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