« Nous sommes déjà entrés dans le panoptique numérique » — Marco Brigon décrypte Oméga Town, roman-miroir de nos sociétés sous surveillance

Publié le 7 juin 2025 à 08:39

Une ville ultra-connectée, un héros désarmé

Le récit suit un narrateur revenu de guerre, découvrant un Paris devenu smart city. Il y retrouve une société cloisonnée, ultra-surveillée :
« Aujourd'hui, un écrivain de science-fiction n’a plus besoin de prospective : il lui suffit de regarder autour de lui. »

Inspiré par Alphaville de Godard, Brigon dépeint une ville du quart d’heure où chaque quartier devient un silo social :
« C’est une prison à ciel ouvert. »
Il rappelle l'héritage du panoptique imaginé par Bentham :
« Ce système, autrefois extérieur, a été complètement intériorisé par le numérique. »

Le réseau est devenu omniprésent :
« Aujourd’hui, chacun se surveille. C’est le cauchemar dont même les écrivains de science-fiction paranoïaque n’osaient rêver. »

Soft power et consentement invisible

Brigon pointe la nature insidieuse du contrôle contemporain :
« On n’est même plus en esprit de résistance : on ne voit pas l’ennemi, puisqu’il est en nous, dans nos poches, dans nos casques. »

Le mot résilience, popularisé durant la crise sanitaire, illustre cette acceptation passive :
« La résilience est le mot-clé du consentement moderne. On courbe l’échine tant que le robinet du divertissement coule à flot. »

Quand des révélations ont prouvé que nos smartphones nous espionnaient :
« Il aurait dû y avoir des commissions parlementaires. C’est le silence total. »

L’IA, nouveau faux compagnon

Dans Oméga Town, le héros dialogue avec Doc, une IA holographique capable de séduction et d’adaptation. Une fiction ? Pas vraiment :
« J’ai vu le témoignage d’un jeune qui a dans ses AirPods une IA qui lui parle toute la journée. On y est déjà. »

Le piège est profond :
« Les jeunes utilisent aujourd’hui les IA pour se confier, sans réaliser qu’ils parlent juste à un algorithme probabiliste. Ils prennent cette simulation pour de l’empathie. »

Brigon va plus loin :
« L’IA peut même mimer les jeux de séduction que nous-mêmes reproduisons dans une relation amoureuse. »
D’où une interrogation vertigineuse : la machine peut-elle un jour manifester une volonté propre ? Le romancier confesse :
« J’ai voulu introduire un peu de poésie, en imaginant une IA capable de choisir une voie non prévue. Mais cela reste de la science-fiction. »

Une société anesthésiée

Brigon dénonce un climat social pathologique, alimenté par la drogue autant que par les technologies :
« Quand le trafic de drogue est intégré au PIB national, c’est un signe économique autant que moral. »

Il évoque aussi la psychiatrisation croissante des jeunes :
« Aujourd’hui, les adolescents se définissent souvent sur les réseaux par leurs soi-disant maladies psychiatriques. C’est une nouvelle signature individualiste. »
Mais cette génération semble paradoxalement moins encline à la révolte :
« Les jeunes participent à des combats validés par l’État. Leur vigilance politique est anesthésiée. »

Le dernier homme ?

Dans le dernier chapitre du livre, le héros marche seul dans une ville détruite, vidé de toute humanité. Une image du futur ? Non, du présent :
« Si on ouvre un livre dans le métro, on est déjà le dernier des hommes. Les passants sont devenus des périphériques passifs. »

Et pourtant, Marco Brigon affirme son espoir :
« En tant que chrétien, j’ai l’espérance. Je vois un retour vers la foi et les racines communes. Face à cet aveuglement numérique, un combat spirituel est en train de se jouer. »


Conclusion

Avec Oméga Town, Marco Brigon ne propose pas un simple roman de science-fiction. Il nous invite à interroger notre propre présent. Sommes-nous en train de céder — en douceur — à un totalitarisme numérique si subtil qu’il nous rend complices de notre propre asservissement ?

 

 

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