
Dans cet épisode de 7 jours sur Terre, Benjamin Tremblay explore les possibilités et les implications du nouveau Cheval de Troie. On y explore notamment les travaux de la Chine, de la Russie, des États-Unis et d'Israël en matière d'infiltration profonde de munitions dormantes. Il sera question de cyberattaques massives, de l'invasion de Taïwan, de sabotages invisibles, de tactiques de chaos, et de la guerre sans limite.
5 mars 2028. Une date fictive, mais un scénario plus réaliste qu’il n’y paraît. Les États-Unis subissent une cyberattaque massive, des drones invisibles émergent de conteneurs et de planchers pour frapper des cibles stratégiques sur tout le territoire, et la Chine lance son invasion de Taïwan. Ce scénario n’est pas une œuvre de science-fiction, mais une extrapolation plausible à partir des doctrines militaires modernes et des tactiques déjà observées sur plusieurs théâtres d’opérations. Bienvenue dans l’ère de la guerre asymétrique à l’instant zéro.
Au cœur de cette révolution militaire : les munitions dormantes. Ces armes, drones ou missiles miniaturisés, sont discrètement positionnées en territoire ennemi bien avant le début des hostilités. Elles peuvent rester inactives pendant des mois, voire des années, avant d’être activées au moment choisi. L’objectif ? Créer un effet de surprise absolu, semer la confusion et infliger un maximum de dommages dès les premières minutes du conflit.
Cette tactique s’inspire directement de la doctrine chinoise dite de « guerre sans limite », dans laquelle les frontières entre cibles civiles, industrielles et militaires s’estompent. L’ennemi doit être frappé vite, fort et sans avertissement, au point de désorganiser complètement sa réponse. Dans ce modèle, la guerre ne se déclare pas : elle commence par le chaos.
Des précédents récents confirment que cette vision n’est plus théorique. L’Ukraine a introduit des drones camouflés sur le territoire russe via des conteneurs routiers. Le Mossad, en Israël, aurait construit des bases clandestines à l’intérieur même de l’Iran pour lancer ses frappes contre des systèmes de défense. Ces exemples montrent qu’il est possible de frapper l’ennemi au cœur de son territoire sans avion, sans missile balistique et sans présence militaire classique.
Ces tactiques ne sont pas seulement audacieuses, elles sont économiquement redoutables. Un drone à 500 dollars peut potentiellement neutraliser un radar ou un appareil valant des centaines de millions. C’est la quintessence de la guerre asymétrique. Désormais, un petit pays ou un groupe bien organisé peut infliger des pertes massives à une superpuissance, simplement en misant sur l’anticipation, la ruse et la technologie.
Mais les implications vont plus loin. Elles bouleversent les doctrines stratégiques elles-mêmes. L’ère de la dissuasion fondée sur l’arme nucléaire et la supériorité aérienne laisse place à une forme de dissuasion fondée sur le doute. Car si un pays peut frapper sans prévenir, avec des armes invisibles, la peur ne vient plus de ce que l’ennemi montre, mais de ce qu’il pourrait cacher.
C’est là que la notion de « cheval de Troie » prend tout son sens. Chaque conteneur, chaque propriété à proximité d’une base militaire peut devenir une menace potentielle. Ce n’est pas un hasard si les États-Unis restreignent désormais l’achat de terres par des ressortissants chinois dans plusieurs États, craignant l’implantation de cellules dormantes ou de lanceurs dissimulés.
La miniaturisation, les batteries à longue durée et l’intelligence artificielle permettent aujourd’hui de construire des drones indétectables, parfois pilotés à distance par une seule personne. Des modèles sous-marins sont même en développement : des drones autonomes capables de dormir au fond de l’océan pendant des mois avant de frapper.
Ce monde, c’est celui d’une dissuasion fondée sur l’ambiguïté. La découverte d’une munition dormante, même en temps de paix, pourrait être considérée comme un acte de guerre. Pourtant, il est politiquement délicat de reconnaître leur existence. Alors les États se contentent de signaux faibles : des cyberattaques ciblées, des pannes de satellites, des sabotages ponctuels. Comme pour dire à l’adversaire : nous aussi, nous avons des cartes cachées.
Le plus inquiétant, c’est que cette stratégie réduit la barrière d’entrée à la puissance militaire. Plus besoin d’ogives nucléaires ou de porte-avions. Un pays comme la Corée du Nord, la Turquie ou l’Iran peut désormais poser un risque stratégique majeur. Même des groupes non étatiques pourraient acquérir des capacités comparables. L’ennemi de demain n’est plus nécessairement une superpuissance. Il peut être invisible, fragmenté, insaisissable.
Dans cette logique, la véritable arme, ce n’est plus le missile, mais le doute. Le soupçon permanent que l’ennemi puisse frapper de n’importe où. Une guerre psychologique où l’on ne craint pas ce que l’on voit, mais ce que l’on ignore.
Et si, pour éviter la guerre, il fallait désormais se préparer à l’avoir déjà perdue ?
Sources :
– Doctrine militaire chinoise : Unrestricted Warfare, Qiao Liang & Wang Xiangsui
– U.S. Department of Defense Annual Reports
– Center for Strategic and International Studies – Analyses sur la guerre asymétrique
– 7 jours sur Terre, épisode sur les munitions dormantes
– Washington Post, Politico, Foreign Policy – Rapports sur l’achat de terres par des ressortissants étrangers
– The Drive / The War Zone – Analyses des drones militaires émergents
– RAND Corporation – Études sur la dissuasion moderne
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