Additifs bannis ailleurs, encore autorisés ici : entre inertie réglementaire et choix politique

Publié le 18 mai 2025 à 20:04

Au Canada, plusieurs additifs alimentaires sont encore autorisés dans les produits de consommation courante, alors qu’ils sont restreints ou interdits ailleurs pour des raisons de santé publique. Il s’agit souvent de colorants artificiels, de conservateurs ou d’agents de texture utilisés pour améliorer l’apparence ou la durée de conservation d’aliments ultra-transformés.

Par exemple, le rouge no 3 (érythrosine), interdit aux États-Unis, est toujours utilisé ici dans les bonbons et les glaçages, malgré les risques de cancer de la thyroïde observés chez les animaux. Le jaune no 5 (tartrazine), qui requiert un avertissement en Europe, est lié à l’hyperactivité et à des réactions allergiques. Le BHA, présent dans plusieurs céréales et charcuteries, est classé comme cancérigène possible et perturbateur hormonal dans plusieurs pays de l’Union européenne.

Le BHT, autorisé au Canada mais interdit dans certains pays européens, est soupçonné d’avoir des effets toxiques à long terme. Le propylparabène, utilisé dans des pâtisseries industrielles, est considéré comme un perturbateur endocrinien et a été retiré du marché européen. Le dioxyde de titane (E171), encore présent dans les gommes et bonbons au Canada, est interdit dans l’Union européenne en raison de risques génotoxiques.

D’autres substances comme l’azodicarbonamide (interdit en Europe et en Australie), le polysorbate 80 ou encore les additifs à base d’aluminium dans les levures soulèvent des préoccupations sérieuses : risques allergiques, inflammations intestinales, effets neurotoxiques ou perturbations endocriniennes.

Ces ingrédients, bien que légaux au Canada, sont remis en question par les instances de santé ailleurs dans le monde. Pourtant, ils continuent d’être consommés ici quotidiennement, souvent à l’insu des consommateurs.

Une réglementation réactive plutôt que proactive

Au Canada, le processus d’approbation des additifs alimentaires repose sur une évaluation préalable à la mise en marché. Les fabricants doivent soumettre une demande à Santé Canada, qui évalue la sécurité de l’additif avant de l’autoriser. Gouvernement du Canada+3GRAS Experts+3Gouvernement du Canada+3

Cependant, une fois qu’un additif est approuvé, il peut rester sur le marché indéfiniment, à moins qu’une nouvelle preuve scientifique ne remette en question sa sécurité. Santé Canada peut alors réévaluer l’additif, mais ce processus est souvent déclenché par des préoccupations externes ou des demandes spécifiques, plutôt que par une surveillance proactive. Gouvernement du Canada

Cette approche signifie que certains additifs restent autorisés au Canada bien après leur interdiction dans d’autres pays, en raison de nouvelles découvertes scientifiques ou de changements dans les politiques de santé publique.

Quand l’alimentation devient politique

Lorsqu’on évoque les grandes figures politiques qui ont voulu remettre en question les rapports de force entre l’industrie, l’État et la population, deux noms reviennent souvent : John F. Kennedy et, plus récemment et plus controversé, Donald Trump.

Kennedy, dans son célèbre discours de 1962 sur la protection du consommateur, affirmait que chaque citoyen avait le droit à l’information, à la sécurité et à la liberté de choix. Il voyait la transparence dans la composition des produits comme une exigence démocratique. C’était l’époque où la confiance envers les institutions était encore possible, mais conditionnée à une volonté politique réelle de défendre le public contre des intérêts trop puissants.

Trump, lui, s’est présenté comme un candidat "anti-système", accusant les agences fédérales d’être captives de l’industrie pharmaceutique ou agroalimentaire. Son mandat n’a pas nécessairement apporté des réponses crédibles ou cohérentes, mais il a posé une question brutale : à qui profitent vraiment les règles ? Ce doute, une fois semé, ne s’est plus effacé.

Le Canada, entre deux modèles

Le Canada aime se dire moderne, progressiste, aligné sur l’Europe en matière de santé publique. Pourtant, il permet encore la vente de produits contenant des additifs que l’Union européenne ou même les États-Unis ont restreints, parfois depuis des décennies.

Prenons l’exemple du rouge no 3, un colorant lié à des cancers de la thyroïde chez les animaux, interdit aux États-Unis depuis les années 90... mais toujours présent dans certains bonbons au Canada. Ou encore le BHA, un conservateur classé comme cancérigène possible, retiré dans plusieurs pays d’Europe, mais autorisé dans nos charcuteries.

Ces décisions ne relèvent pas uniquement de la science. Elles traduisent un choix politique : celui de faire confiance à l’industrie ou au principe de précaution. Celui de croire que les consommateurs n’ont pas besoin d’être protégés... ou même informés.

Et maintenant ?

La question n’est plus seulement : « Est-ce que ces additifs sont dangereux ? »
C’est : « Pourquoi continuons-nous de les tolérer alors que d’autres les ont bannis ? »
Et plus profondément encore : « Qui protège qui, et au nom de quoi ? »

Dans une époque où la confiance dans les institutions vacille, où la désinformation circule aussi vite que les marchandises, la transparence alimentaire devient un test de cohérence politique. Il ne suffit plus de vanter des valeurs de santé publique ou de progrès environnemental. Il faut agir, concrètement.

Kennedy pensait qu’un citoyen bien informé était la première condition d’une démocratie en santé. Trump, à sa manière brutale, a rappelé que les bureaucraties sont loin d’être neutres. Et nous, citoyens canadiens, dans tout ça ? Allons-nous continuer à consommer aveuglément des substances que d’autres peuples ont rejetées ? Ou exigerons-nous, enfin, un encadrement digne de ce nom ?


Sous le paillasson – Rien sous le tapis, tout sous la loupe.

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