Crise d’accès aux soins : quand les données contredisent les discours

Publié le 31 mai 2025 à 09:33

Alors que les Québécois peinent à obtenir un rendez-vous en clinique, l’ancien ministre de la Santé Gaétan Barrette jette un pavé dans la mare : les médecins de famille seraient tout simplement peu présents le soir et les fins de semaine. Et cette fois, ce ne sont pas des impressions ou des hypothèses : ce sont des données.

Le nerf de la guerre : les plages horaires

Grâce à la Loi 11 mise en place par le gouvernement de la CAQ, les médecins doivent désormais publier leur offre de rendez-vous sur une plateforme centralisée : Rendez-vous santé Québec. Cette transparence permet, pour la première fois, de documenter objectivement les plages horaires offertes par les omnipraticiens.

Le constat est troublant : très peu de rendez-vous sont offerts les lundis, presque aucun les vendredis, et encore moins les soirs ou les fins de semaine. Pourtant, le discours officiel des fédérations médicales prétend que les médecins sont surchargés et constamment au front.

L’argument des gardes hospitalières : un écran de fumée ?

La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) affirme que ces données ne reflètent pas la réalité, car elles omettent le temps que les médecins passent à l’hôpital. Barrette répond sèchement : on connaît déjà le nombre d’heures effectuées à l’hôpital et on peut aisément en tenir compte dans les calculs.

Il y a environ 10 000 médecins de famille au Québec. Une fois les heures hospitalières soustraites, il resterait près de 8 000 médecins en pratique de cabinet. En croisant cela avec les données de Rendez-vous santé Québec, l’ancien ministre affirme que le modèle de disponibilité est insuffisant — non par manque de personnel, mais par choix organisationnel ou culturel.

Une question générationnelle ?

Barrette admet qu’un changement est en cours. Les jeunes médecins cherchent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle. Ils veulent enseigner, s’impliquer, éviter le surmenage. Soit. Mais cela soulève une question sociale plus large : quelles obligations éthiques ont les professionnels de la santé envers la population qui finance leur rémunération ?

Selon Barrette, les médecins sont déjà très bien payés pour leurs désagréments, contrairement à la caissière du Walmart qui doit perdre un revenu pour aller consulter son médecin. La comparaison est brutale, mais elle met en lumière un clivage : la perception d’un service public... offert par des professionnels qui fonctionnent comme des travailleurs autonomes.

Un modèle ailleurs qui fonctionne ?

En Colombie-Britannique, l’équivalent d’un médecin québécois doit prendre en charge 1 320 patients, même s’il travaille aussi à l’hôpital. Le Québec s’était inspiré de ce modèle... sans l’appliquer jusqu’au bout. Pourquoi ? Selon Barrette, parce que la Colombie-Britannique a augmenté de 32 % l’enveloppe budgétaire des médecins pour faire passer la pilule.

Autrement dit, le problème n’est pas structurel, il est politique. Le gouvernement québécois a tenté de réformer l’accès sans compenser. Et les médecins, sentant le sol se dérober, résistent farouchement au changement.

Le poids de l’habitude

Enfin, Gaétan Barrette rappelle que le changement de culture dans le milieu médical est lent et difficile. Il raconte comment, en tant que chef de département en radiologie, il a dû forcer ses collègues à abandonner le papier pour le numérique. Résultat ? Trois semaines de résistance, puis l’adoption complète.

C’est exactement ce que vit le système québécois aujourd’hui : un choc de modernisation face à une culture qui préfère la stabilité à l'efficacité.


Conclusion

Le débat sur la disponibilité des médecins de famille n’est plus idéologique. Il est désormais appuyé par des données tangibles. Et ces données, selon Barrette, révèlent un manque de volonté plus qu’un manque de ressources. Reste à savoir si le gouvernement aura le courage politique d’aller au bout de la réforme… ou s’il cèdera à nouveau devant une profession puissante.

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