TDAH au Québec : entre surdiagnostic, enjeux financiers et illusions médicamenteuses

Publié le 13 août 2025 à 06:51

Au Québec, le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est devenu un sujet omniprésent dans le débat public, au point où l’on pourrait croire que toute difficulté de concentration, chez l’enfant ou l’adulte, relève automatiquement de ce diagnostic. Les chiffres sont frappants : en 2022, on comptait environ 95 000 jeunes diagnostiqués, soit quatre fois plus qu’il y a vingt ans. Les spécialistes eux-mêmes, à commencer par le psychologue Égide Royer, parlent désormais ouvertement de surdiagnostic et de surmédication.

Certaines données révèlent des biais troublants dans la manière dont on étiquette le TDAH. Ainsi, un enfant né au mois de septembre a 35 % plus de chances d’être diagnostiqué et mis sous médication que ses camarades nés à d’autres moments de l’année. La raison ? Au Québec, la date de naissance détermine le groupe scolaire : ces enfants sont les plus jeunes de leur classe et, bien souvent, on confond leur simple immaturité avec un trouble neurodéveloppemental. Des variations saisonnières existent aussi : aux États-Unis, les consultations juste avant l’Halloween montrent des taux de diagnostic anormalement élevés, ce qui illustre combien l’évaluation peut être influencée par des facteurs extérieurs.

Si la médication, comme le Ritalin ou le Concerta, calme souvent le comportement et améliore l’attention à court terme, elle ne résout pas les causes profondes des difficultés scolaires. Pire : selon les données compilées par le New York Timeset confirmées par des recherches, son effet tend à s’estomper après environ 36 mois. L’élève peut devenir plus docile, mais ses résultats scolaires ne s’améliorent pas nécessairement. Or, si le médicament ne fait plus effet à moyen terme, continuer à le prescrire sans repenser la prise en charge revient à faire fausse route.

Il faut aussi rappeler qu’environ 75 % des enfants diagnostiqués avec un TDAH présentent une autre difficulté sous-jacente : dyslexie, trouble anxieux, retard d’apprentissage, comportement agressif, ou autre problème pouvant affecter la réussite scolaire. Dans ces situations, se limiter au traitement du TDAH risque de passer à côté du vrai nœud du problème et de priver l’enfant des interventions adaptées.

À cela s’ajoute une réalité moins connue du grand public : certaines écoles bénéficient directement d’un diagnostic, car un élève reconnu comme ayant des besoins particuliers « compte pour plus qu’un élève » dans le calcul du financement. Cette classification peut permettre d’obtenir davantage de ressources, de réduire le nombre d’élèves par classe et même d’améliorer la rémunération des enseignants. Ce mécanisme, inscrit dans l’organisation scolaire, alimente mécaniquement l’augmentation du nombre de diagnostics. Cette logique contribue à une progression fulgurante : en 2001-2002, on comptait environ 100 000 élèves avec un plan d’intervention au Québec ; aujourd’hui, ils sont près de 250 000.

Le danger est double. D’abord, étiqueter un enfant trop vite risque de masquer d’autres causes : retard d’apprentissage, difficultés émotionnelles, contexte familial perturbé. Ensuite, donner trop de poids au diagnostic peut limiter la perception des capacités de l’élève et installer une forme de dépendance psychologique à la médication — au détriment du développement d’outils et de stratégies d’autonomie.

Le véritable défi, au Québec, n’est pas de nier l’existence du TDAH — qui est bien réel dans certains cas — mais de trier avec rigueur les situations, d’éviter les faux positifs, et surtout d’investir dans des interventions adaptées : encadrement pédagogique, soutien comportemental, gestion des émotions, et formation des enseignants. Sans ce virage, le système continuera d’alimenter une spirale où les chiffres gonflent, les coûts explosent, mais où les résultats académiques stagnent.

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.