Pourquoi la Banque du Canada ne baissera pas son taux directeur le 30 juillet

Publié le 17 juillet 2025 à 08:41

Depuis plus de six mois, le taux directeur canadien est figé à 2,75 %, et les détenteurs d’hypothèques à taux variable espèrent désespérément une nouvelle détente monétaire. Alors que la prochaine décision de la Banque du Canada est attendue le 30 juillet, la question cruciale demeure : allons-nous assister à une nouvelle baisse de taux ? Tout porte à croire que non. Et c’est précisément cette immobilité stratégique qui en dit long sur l’état réel de l’économie canadienne et sur la marge de manœuvre – ou le manque de marge – dont dispose la Banque centrale.

Le marché de l’emploi, d’abord, donne des signaux contradictoires. Après une montée graduelle du taux de chômage depuis février, celui-ci semble s’être stabilisé à 6,9 %. C’est une baisse marginale, mais qui laisse entrevoir une forme de plateau. Or, cette stabilité cache des disparités : le taux de chômage chez les jeunes atteint 17,4 %, un niveau qu’on n’avait pas vu depuis 1998. Le facteur migratoire est ici déterminant. L’explosion de l’immigration au pays – souvent orientée vers des postes d’entrée – réduit les débouchés pour les étudiants et jeunes travailleurs qui arrivent sur le marché pendant l’été. Pourtant, le mois de juin a réservé une surprise : 83 000 nouveaux emplois ont été créés, alors que le consensus des économistes prévoyait… zéro. De ces créations, la majorité provient du secteur privé. Même la fabrication, pourtant fragile en contexte de guerre commerciale, a rebondi. En apparence, le marché du travail résiste. Assez pour ne pas justifier une baisse de taux immédiate.

Mais c’est du côté de l’inflation que les signaux sont les plus préoccupants. Si l’indice des prix à la consommation (IPC) global est ressorti à 1,9 % en juin – donc sous la cible des 2 % –, cette illusion de normalité est alimentée par une chute ponctuelle des prix de l’essence (-13,4 %). Une fois cette variable retirée, l’inflation fondamentale – qui exclut énergie et alimentation – est à 2,6 %, avec une tendance claire à la hausse depuis janvier. C’est précisément ce que surveille la Banque du Canada. Sur ses trois indicateurs phares d’inflation sous-jacente, tous repartent à la hausse depuis six mois. Ce n’est pas une coïncidence. L’accélération de l’inflation fondamentale reflète une économie encore sous tension, où la guerre commerciale commence à avoir des effets tangibles sur les prix de production.

Et cette guerre commerciale est loin d’être terminée. Donald Trump, à l’approche des élections américaines, menace d’imposer des tarifs de 35 % sur les importations canadiennes dès le 1er août, en invoquant des raisons fallacieuses, comme la crise du fentanyl ou la gestion de l’offre dans le secteur laitier. Ce genre de justification instrumentalisée n’a rien de nouveau. Mais les effets, eux, sont bien réels : 20 % du PIB canadien dépend des exportations vers les États-Unis. Une taxation agressive, même partiellement atténuée par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), frapperait durement l’économie. Et le signal envoyé par Washington est clair : même les pays qui signent des accords peuvent voir des tarifs résiduels se maintenir.

Dans ce contexte incertain, la Banque du Canada n’a aucun intérêt à baisser son taux directeur maintenant. D’abord parce que l’économie n’est pas en récession – du moins pas encore. Ensuite parce que l’inflation fondamentale remonte, et que toute baisse prématurée des taux viendrait alimenter davantage cette dynamique. Enfin, parce qu’en gardant le taux à 2,75 %, la Banque se réserve une cartouche précieuse pour intervenir rapidement si le choc commercial annoncé au 1er août se matérialise pleinement. Utiliser cette marge de manœuvre trop tôt, ce serait gaspiller un levier dont elle pourrait avoir un besoin criant dans quelques semaines.

Le statu quo du 30 juillet ne doit donc pas être vu comme de l’inaction, mais comme une stratégie de retenue lucide. En conservant ses munitions pour plus tard, la Banque du Canada fait le pari que le pire est encore devant, et qu’il faut s’y préparer sans illusion. Reste à voir si cette posture tiendra si le vent tourne brutalement. Pour l’instant, c’est la prudence – et non la panique – qui guide la politique monétaire canadienne.

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