Une révolution silencieuse… mais massive

Publié le 18 juillet 2025 à 21:53

La révolution amorcée par ChatGPT et les agents intelligents, telle qu’exposée dans une entrevue captivante entre Marc Boilard et David Proulx sur les ondes de QUB Radio, bouleverse déjà nos façons de travailler, de créer, et d’interagir avec la technologie. Ce qui, il y a à peine un an, semblait relever du gadget est en train de devenir une nouvelle norme : des agents virtuels capables non seulement de répondre à des questions ou de rédiger des textes, mais d’agir activement sur un ordinateur à la manière d’un adjoint personnel. Lors de l’entrevue, David Proulx raconte comment il peut désormais demander à l’intelligence artificielle d’écrire une publication LinkedIn, de trouver les membres d’une équipe sur un site web, de les identifier automatiquement dans un post, d’effectuer des réservations, voire de contacter un service à la clientèle — et tout cela sans lever le petit doigt.

Ce qui était jadis une démonstration prometteuse mais bancale devient aujourd’hui pleinement fonctionnel, grâce à l’intégration de modèles plus puissants comme GPT-4. Ce que Proulx appelait auparavant “Operator”, devenu “Agent”, est désormais capable de jongler entre plusieurs fenêtres, de lire une page, d’en extraire l’information pertinente, puis d’agir sur une autre. L’agent réfléchit littéralement étape par étape, laissant même des indices sur son raisonnement visible à l’écran. Le passage est radical : de simple assistant conversationnel, l’IA devient opérateur autonome.

Les répercussions sociales sont déjà tangibles. Dans l’entrevue, on apprend qu’un entrepreneur qui dépensait auparavant 8000 $ par mois en sous-traitance en Inde pour du développement informatique utilise désormais un agent IA qui fait le travail mieux, plus vite, et pour 25 $ par mois. Cette anecdote, anodine en apparence, dit tout : une portion entière de l’économie des services cognitifs est en train d’être balayée. L’automatisation ne touche plus seulement les emplois manuels ou répétitifs, mais aussi les tâches intermédiaires, administratives, voire techniques. La programmation elle-même — ce bastion autrefois indéboulonnable — devient partiellement obsolète. Non pas parce qu’on n’a plus besoin de programmer, mais parce que ceux qui avaient une idée, sans les compétences techniques pour la concrétiser, peuvent maintenant passer à l’action avec un assistant IA.

Mais cette transformation ne signifie pas la fin de l’humain. Comme le rappelle Boilard durant la discussion, l’essence même de la valeur ajoutée reste le contenu. Le contenu, ce n’est pas le code, ni l’image, ni l’exécution technique d’une tâche. C’est l’idée qu’on veut exprimer, la nuance, l’intuition, la vision. L’IA peut simuler l’intelligence, mais elle ne possède ni intention, ni désir, ni sensibilité propre. Ce qui distingue encore l’humain, c’est sa capacité à créer du sens, à improviser, à résoudre des problèmes complexes — et surtout, à naviguer dans les dynamiques sociales. Or, comme l’expliquait Proulx, 80 % des problèmes en entreprise sont d’ordre relationnel. Aucun algorithme ne peut gérer les tensions, les non-dits, les rivalités ou les solidarités de bureau. Même le potinage, souvent critiqué, joue un rôle structurant dans les équipes de travail. L’IA ne peut pas reproduire cela. Du moins, pas encore.

Il reste donc un espace pour l’humain, mais ce dernier doit évoluer. Ce que cette révolution impose, c’est une transformation des compétences. Il ne suffit plus de maîtriser des outils : il faut apprendre à collaborer avec des intelligences artificielles, à les guider, à les corriger, à leur poser les bonnes questions. Pour les jeunes, cela signifie que l’école doit non seulement transmettre la logique des algorithmes, mais surtout nourrir la pensée critique, la créativité, et l’adaptabilité. Comme le disait Proulx, la technologie agit comme un levier : les paresseux travailleront moins, les bâtisseurs iront plus loin, et ceux qui n’apprennent pas à s’en servir seront dépassés.

La révolution ChatGPT, telle que vécue en direct dans cette entrevue entre deux observateurs aguerris, n’a rien de spectaculaire à première vue. Pas de grand soir, pas de lois fracassantes, pas de marches dans la rue. Mais elle avance vite, partout, silencieusement. Elle redéfinit ce que signifie « savoir faire ». Elle déplace les travailleurs plus qu’elle ne les remplace. Et elle rappelle une vérité aussi vieille que le monde : les outils changent, mais les idées, elles, gouvernent encore.

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