L’AVORTEMENT AUX ÉTATS-UNIS : QUE RESTE-T-IL DU DROIT DES FEMMES EN 2025 ?

Publié le 21 juillet 2025 à 22:05

Depuis l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022 par la Cour suprême des États-Unis, le droit à l’avortement est devenu l’un des enjeux politiques les plus conflictuels du pays. Adopté en 1973, Roe v. Wade garantissait à l’échelle fédérale le droit constitutionnel des femmes à interrompre volontairement leur grossesse, au moins jusqu’à la viabilité du fœtus (environ 24 semaines). Cette décision historique empêchait les États d’interdire complètement l’avortement et servait de rempart juridique pendant près de 50 ans.

Beaucoup considèrent que Donald Trump, redevenu président en 2025, représente une menace majeure pour les droits reproductifs des femmes. S’il n’a pas signé lui-même une interdiction fédérale de l’avortement, il a posé les fondations d’un bouleversement juridique en nommant trois juges conservateurs à la Cour suprême, créant ainsi une majorité décisive qui a rendu possible l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, lequel a renversé 50 ans de jurisprudence constitutionnelle.

Ce revirement historique n’a pas interdit l’avortement à l’échelle nationale, mais a redonné aux États la pleine liberté de légiférer. Dès lors, une Amérique à deux vitesses s’est installée. Douze États ont interdit l’avortement dans presque toutes les circonstances : Alabama, Arkansas, Idaho, Kentucky, Louisiane, Mississippi, Missouri, Oklahoma, Dakota du Sud, Tennessee, Texas et Virginie-Occidentale. Dans la majorité de ces juridictions, les lois dites « déclencheuses » avaient été votées sous la première administration Trump, entre 2019 et 2020, avec une clause prévoyant leur entrée en vigueur dès la fin de Roe. Ces lois ne contiennent souvent aucune exception pour les cas de viol ou d’inceste, et ne permettent l’avortement que si la vie de la patiente est directement menacée.

Treize autres États ont restreint l’accès à l’avortement selon des limites gestationnelles très strictes. On retrouve ici les lois dites « heartbeat bills », qui interdisent l’avortement dès six semaines de grossesse, soit avant même que la plupart des femmes sachent qu’elles sont enceintes. C’est le cas en Floride, en Géorgie, en Iowa, dans les Carolines, au Texas ou en Ohio. D’autres États comme le Nebraska ou la Caroline du Nord fixent la limite à douze semaines, tandis que l’Utah interdit l’avortement après dix-huit semaines. Ces restrictions, bien qu’adoptées en partie après le premier mandat Trump, s’appuient politiquement et juridiquement sur l’élan créé durant celui-ci.

À l’inverse, vingt-cinq États, ainsi que Washington D.C., ont maintenu ou renforcé le droit à l’avortement. En Californie, au Vermont, au Michigan ou à New York, le droit est inscrit dans la législation ou même dans la constitution de l’État. Certains de ces États ont adopté des lois en 2023 et 2024 pour protéger les professionnels de santé contre des poursuites venues d’autres juridictions, en réponse aux tentatives de certains États conservateurs d’étendre leur pouvoir coercitif au-delà de leurs frontières.

Historiquement, plusieurs États avaient tenté d’interdire l’avortement bien avant la présidence Trump. Le Dakota du Nord avait adopté une loi dès 2013 pour interdire l’avortement à six semaines, mais elle avait été bloquée par la justice. L’Arkansas, de son côté, avait interdit l’avortement à douze semaines dès 2013 également. Ces lois sont restées inappliquées jusqu’à l’effondrement de la jurisprudence fédérale qui les rendait inconstitutionnelles. En ce sens, Trump n’a pas initié la croisade contre l’avortement, mais il en a été l’accélérateur le plus puissant en donnant aux conservateurs les outils juridiques pour atteindre leur objectif.

Il ne fait aucun doute que Trump reste une figure centrale dans ce débat. Depuis son retour au pouvoir, il alterne les discours selon les publics. Il se vante d’avoir « sauvé des millions de vies » en permettant la fin de Roe, tout en assurant qu’il ne soutiendra pas une interdiction fédérale stricte, préférant laisser les États décider. Mais en coulisses, plusieurs de ses alliés politiques soutiennent un projet de loi visant à interdire l’avortement à partir de quinze semaines à l’échelle nationale, ce qui serait une première depuis 1973. En parallèle, les procès visant l’accès à la pilule abortive et les attaques contre les services de santé reproductive se multiplient, souvent orchestrés par des organisations proches de la mouvance pro-Trump.

En 2025, le droit à l’avortement n’est plus garanti aux États-Unis. Il dépend entièrement de la géographie, de la politique locale, et de l’issue des élections fédérales à venir. Une femme enceinte à Austin, Texas, n’a pas les mêmes droits qu’une femme à Boston, Massachusetts. Dans cette nouvelle réalité post-Roe, les inégalités territoriales deviennent des injustices biologiques. Et derrière cette mosaïque législative, le rôle de Donald Trump est central. Non pas en tant que simple héritier d’un mouvement conservateur, mais en tant que président en exercice, architecte du renversement judiciaire qui a brisé l’équilibre fragile entre convictions personnelles, droits fondamentaux et protection fédérale. Sa réélection pourrait non seulement consolider les reculs actuels, mais aussi ouvrir la voie à une interdiction nationale.

Sources :

Guttmacher Institute – “State Bans on Abortion”
Center for Reproductive Rights – Abortion Laws by State
Wikipedia – Abortion law in the United States by state
Politico – Tracking where abortion laws stand
The Guardian – Interactive abortion ban map (2024)
KFF – Abortion in the U.S. Dashboard
Planned Parenthood Action – Timeline of legislative attacks on abortion
Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, Supreme Court opinion, 2022

 

Ajouter un commentaire

Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire.