Le "Bogue Humain" : Une Quête Sans Fin et un Paradoxe Évolutif

Publié le 30 juin 2025 à 21:33

Dans un échange des plus enrichissants avec l'animateur du "Whats Up Podcast", Boucar Diouf nous entraîne au cœur de ce qu'il nomme le "bogue humain" – cette insatisfaction perpétuelle qui, bien que moteur de notre incroyable évolution, menace aujourd'hui notre existence même. "Les médias, l'industrie du numérique, le capitalisme numérique accompli que si tu isoles les gens tu peux leur vendre ce que tu veux", lance-t-il d'entrée de jeu, soulignant comment notre vulnérabilité à l'isolement est exploitée par un système qui carbure à nos désirs inassouvis.

Cette insatisfaction n'est pas un défaut, mais plutôt un héritage lointain et profond, ancré dans notre ADN. "L'humain a évolué beaucoup l'insatisfaction notre survie", explique Diouf. Si nos ancêtres se contentaient d'une poutine par jour, nous n'aurions jamais cherché à innover. Mais l'humain, lui, "quand tu lui donnes une poutine le lendemain il vaut autre chose, il en avait une plus grosse, il une plus grosse, il en vait avec des piles, il en vait une poutine avec des saucisses". Cette soif inextinguible de "toujours plus" a conduit l'homme, en un clin d'œil à l'échelle du temps géologique, à réaliser des prouesses inimaginables. Diouf utilise une image saisissante : si l'histoire de la Terre était concentrée en 24 heures, "l'humain est apparu sur la planète à 23h59 minutes et 56 secondes". En seulement "4 secondes d'existence", nous avons appris à voler, surpassé la vitesse du guépard, défié les profondeurs marines et même exploré d'autres planètes. Une accélération fulgurante que la nature a mis des millions, voire des milliards d'années à peaufiner.

La Dopamine : Une Drogue Cérébrale et ses Conséquences

Au centre de ce "bogue" se trouve le striatum, une structure cérébrale archaïque que nous partageons avec des créatures aussi diverses que les oiseaux ou les poissons. Ce n'est pas un hasard si cette partie du cerveau est si ancienne : elle est directement liée à la satisfaction de nos besoins primaires (manger, se reproduire, être en sécurité, trouver sa place dans le groupe). Chaque fois que ces besoins sont comblés, notre cerveau libère de la dopamine. "La dopamine irrigue le striatome et le striatome te dit ah j'ai écoute ça c'était formidable imagine si tu recommençais si tu recommençais et si tu faisais ça encore plus grand", détaille Boucar. C'est un cercle vicieux, car "on finit par devenir complètement accro à ça et on avance avec ça inconsciemment".

Il n'hésite pas à qualifier la dopamine de "dope", soulignant la dépendance qu'elle engendre. Le problème, c'est que "plus tu en prends une drogue plus tu deviens dépendant à la drogue plus tu en as besoin plus pour éprouver la même sensation que le début". Cette addiction explique la course effrénée à l'accumulation de richesses : "Regarde ces gens-là ont réussi à accumuler suffisamment de ressources... pour vivre 30000 ans alors que leur espérance de vie est de combien maximum 100 ans... mais ils sont pas satisfaits". Il cite l'exemple de Donald Trump et Kamala Harris, prêts à tout pour le pouvoir, car leur striatum leur dicte que "accéder au pouvoir c'est ça que tu dois faire". C'est cette même logique qui pousse les gens à accaparer des biens, comme on l'a vu pendant la pandémie : "les gens capotaient, tout le monde ont courus chercher des papiers de toilette, les Américains aux autres sont plus intelligents sont allés chercher des fusils parce qu'ils sont dit si quelqu'un essaie de voler mes papiers de toilettes tu vas en manger tout une mon tabarnaque". 

L'Ère de l'Abondance et la Surexploitation Numérique

Nos ancêtres, confrontés à la rareté, ont développé un cerveau qui nous poussait à manger "beaucoup beaucoup tu sais pas de quoi demain est fait". Ce même système persiste aujourd'hui, dans un environnement où la nourriture est "tellement abondante", menant à une "planète complètement obèse". Ce "bogue" n'a pas été "désactivé" par l'évolution, et ses conséquences sont dramatiques.

Les géants du numérique ont compris cette faiblesse. "Les gens qui ont conçu les médias numériques... ils étaient brillants ils se sont entourés des neuroscientifiques qui leur ont expliqué comment récolter le cerveau humain et le rendre addictif", affirme Diouf. TikTok et consorts ne sont que des machines à dopamine, créant une quête incessante de stimulation et une incapacité à se concentrer. "Il faut qu'il soit entêté, il faut qu'il soit entené, il faut que ton cerveau soit tout le temps sous l'effet de la dopamine tout le temps". Même dans la sphère intime, le "bogue humain" opère. Le désir de nouveauté, que la biologie appelle "l'effet Coolidge" (l'érosion du désir due à la monogamie à long terme), a été exploité par l'industrie de la pornographie, qui a offert un "buffet à volonté" de contenus, créant une dépendance et une quête insatiable de "plus".

La Planète : Victime de notre Insatisfaction Illimitée

Face à cette course effrénée, Boucar Diouf nous ramène à la réalité de la Terre. Il cite son humoriste préféré, George Carlin, et sa parole "prophétique" : "arrêtez de dire sauver la Terre nous allons sauver la Terre sauvez-vous. Non la Terre va rester là là après nous autres". La Terre a survécu à "cinq extinctions de masse" et s'est toujours reconstruite. C'est nous qui sommes en danger. "La Terre va nous flocher", dit-il sans détour, si nous ne parvenons pas à "dompter" ce "bogue".

La Fascinante Sagesse de la Nature : Une Leçon de Collaboration

Pour Diouf, la beauté du monde naturel offre un contraste saisissant avec la frénésie humaine. Il raconte sa fascination pour un bourdon, une œuvre d'art de l'évolution. Il se souvient avoir préféré l'émotion ressentie en observant cet insecte à celle qu'il aurait pu éprouver devant la Joconde au Louvre. "Pour moi le le bourdon c'est une œuvre qui fantastique qui a été dessiné depuis 150 millions d'années", s'émerveille-t-il.

Il nous plonge dans l'histoire des abeilles, ces "guepes qui étaient des prédateurs" et qui, il y a 150 millions d'années, "ont délaissé progressivement la prédation pour devenir des collaborateurs des plantes à fleur". Ce virage vers le "véganisme" fut un "succès fantastique" pour les abeilles, dont le nombre d'espèces est aujourd'hui trois fois supérieur à celui de leurs ancêtres. "Les plantes à fleurs qui étaient minoritaires au Crétacé occupe aujourd'hui 90 % plus de 90 % de la flore de la terre", souligne-t-il, démontrant la puissance de la collaboration et du partage. "Les plantes ne mettent pas de poison dans les fleurs en général jamais jamais c'est pas respect pour ce pacte qu'ils ont signé qu'elles ont signé avec les abeilles".

Un détail savoureux : Diouf révèle que ce sont les abeilles femelles qui dominent, un fait souvent ignoré par l'humanité patriarcale. "Toutes les insectes sociaux c'est des sociétés matriarcales", insiste-t-il. Les premiers scientifiques, aveuglés par leurs préjugés, croyaient que les abeilles avaient un "roi". "Après ça la sci...", il s'interrompt avec humour, laissant entendre que la science a finalement révélé la vérité, au grand dam des hommes : "les gens n'aimaient pas ça les hommes ils ont dit non non non ça se peut pas que ces insectes si organisés si extraordinaires soit dirigé par une femme ça se peut pas".

En définitive, Boucar Diouf nous offre une réflexion profonde et ludique sur la condition humaine. Il nous invite à reconnaître et à dompter ce "bogue" interne d'insatisfaction illimitée en nous inspirant de la sagesse du monde naturel, où l'équilibre, la collaboration et le respect des ressources sont les piliers de la survie et de la beauté. Un message puissant qui résonne avec une urgence particulière dans le monde d'aujourd'hui.

Qu'est-ce qui, dans cette analyse du "bogue humain", vous interpelle le plus et pourquoi ?

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